
L'arthrose cervicale, ou cervicarthrose, est une affection dégénérative fréquente touchant les vertèbres du cou. Bien que souvent associée au vieillissement, elle peut survenir à tout âge et impacter significativement la qualité de vie. Cette pathologie se caractérise par une usure progressive du cartilage articulaire, entraînant une constellation de symptômes allant de la simple gêne à des complications neurologiques sévères. Comprendre les manifestations typiques et atypiques de l'arthrose cervicale est crucial pour un diagnostic précoce et une prise en charge adaptée. Explorons ensemble les différentes facettes de cette affection complexe et les défis qu'elle pose aux patients comme aux professionnels de santé.
Manifestations classiques de l'arthrose cervicale
L'arthrose cervicale se manifeste généralement par un ensemble de symptômes caractéristiques qui évoluent progressivement au fil du temps. Ces signes cliniques, bien que variables d'un individu à l'autre, constituent souvent les premiers indices alertant sur la présence de cette pathologie dégénérative.
Cervicalgie chronique et raideur matinale
La douleur cervicale chronique, ou cervicalgie, représente le symptôme cardinal de l'arthrose cervicale. Cette douleur, souvent décrite comme sourde et persistante, peut s'étendre de la base du crâne jusqu'aux épaules. Son intensité fluctue généralement au cours de la journée, avec une exacerbation typique le matin au réveil. La raideur matinale, quant à elle, se caractérise par une sensation de « blocage » du cou qui s'atténue progressivement avec le mouvement. Cette gêne peut persister pendant 30 minutes à une heure après le lever, impactant significativement le début de journée des patients.
Il est important de noter que l'intensité de la douleur n'est pas toujours corrélée à la sévérité des lésions arthrosiques visibles à l'imagerie. Certains patients présentent des douleurs intenses avec des modifications radiologiques minimes, tandis que d'autres restent asymptomatiques malgré des signes d'arthrose avancée. Cette disparité souligne la complexité de la pathologie et la nécessité d'une approche diagnostique globale.
Craquements articulaires et limitations de mobilité
Les craquements articulaires, ou crepitus , constituent un autre signe fréquent de l'arthrose cervicale. Ces bruits, perceptibles lors des mouvements du cou, résultent du frottement des surfaces articulaires altérées. Bien que souvent inoffensifs, ils peuvent être source d'anxiété pour les patients, craignant d'aggraver leur condition.
La limitation de la mobilité cervicale est une conséquence directe de l'arthrose. Les patients rapportent fréquemment des difficultés à tourner complètement la tête, à regarder vers le haut ou à pencher le cou en arrière. Cette restriction de mouvement peut avoir des répercussions significatives sur les activités quotidiennes, notamment la conduite automobile ou le travail sur ordinateur. L'amplitude de mouvement du cou peut être évaluée objectivement par le praticien à l'aide d'un goniomètre, permettant de quantifier la progression de la maladie au fil du temps.
Radiculopathie cervicale et syndrome de horner
La radiculopathie cervicale survient lorsque les modifications arthrosiques compriment ou irritent les racines nerveuses émergeant de la moelle épinière. Cette compression peut entraîner des douleurs irradiant le long du bras, souvent décrites comme électriques ou lancinantes. Des paresthésies (fourmillements, engourdissements) et une faiblesse musculaire dans le territoire du nerf affecté peuvent également se manifester.
Dans de rares cas, l'arthrose cervicale peut être associée à un syndrome de Horner. Cette complication neurologique se caractérise par une triade de symptômes : ptosis (chute de la paupière supérieure), myosis (rétrécissement de la pupille) et anhidrose (diminution de la sudation) du côté affecté. Le syndrome de Horner résulte d'une atteinte du système nerveux sympathique cervical et nécessite une évaluation urgente pour exclure d'autres causes potentiellement graves.
L'arthrose cervicale peut se manifester de manière insidieuse, avec des symptômes qui s'installent progressivement sur plusieurs mois ou années. Une vigilance particulière est nécessaire pour détecter les signes précoces et prévenir l'aggravation de la pathologie.
Symptômes atypiques et complications neurologiques
Bien que moins fréquents, les symptômes atypiques et les complications neurologiques de l'arthrose cervicale peuvent être particulièrement déroutants pour les patients et les cliniciens. Ces manifestations, souvent méconnues, peuvent retarder le diagnostic et la prise en charge appropriée. Il est donc crucial de les identifier et de comprendre leur mécanisme physiopathologique.
Vertiges cervicogéniques et nystagmus positionnel
Les vertiges d'origine cervicale, ou vertiges cervicogéniques, constituent un symptôme atypique mais non négligeable de l'arthrose cervicale. Ces sensations de déséquilibre ou de rotation de l'environnement sont souvent déclenchées ou exacerbées par les mouvements du cou. Leur mécanisme exact reste débattu, mais impliquerait une perturbation des afférences proprioceptives cervicales et une possible compression de l'artère vertébrale.
Le nystagmus positionnel, caractérisé par des mouvements oculaires involontaires rythmiques, peut parfois accompagner ces vertiges. Ce phénomène, habituellement associé à des pathologies vestibulaires, peut survenir dans le cadre d'une arthrose cervicale avancée. Sa présence doit alerter le clinicien sur la possibilité d'une atteinte du système vestibulaire secondaire à la cervicarthrose.
Céphalées cervicogènes et névralgie d'arnold
Les céphalées cervicogènes représentent une forme de maux de tête dont l'origine se situe au niveau des structures cervicales. Dans le contexte de l'arthrose cervicale, ces céphalées sont généralement unilatérales, débutant à la nuque et irradiant vers le front ou la région péri-orbitaire. Leur intensité peut varier de modérée à sévère, impactant significativement la qualité de vie des patients.
La névralgie d'Arnold, ou névralgie occipitale, est une forme particulière de céphalée cervicogène. Elle se caractérise par des douleurs lancinantes ou en coup de poignard dans la région occipitale, pouvant s'étendre jusqu'au vertex. Cette névralgie résulte de l'irritation ou de la compression du nerf grand occipital (nerf d'Arnold) par les modifications arthrosiques des vertèbres cervicales supérieures.
Myélopathie cervicarthrosique et syndrome de Brown-Séquard
La myélopathie cervicarthrosique représente la complication neurologique la plus grave de l'arthrose cervicale. Elle survient lorsque les modifications dégénératives compriment directement la moelle épinière. Les symptômes peuvent inclure des troubles de la marche, une maladresse des mains, des paresthésies des membres supérieurs et inférieurs, et dans les cas avancés, des troubles sphinctériens.
Le syndrome de Brown-Séquard, bien que rare dans le contexte de l'arthrose cervicale, peut survenir en cas de compression latéralisée de la moelle épinière. Ce syndrome se caractérise par une paralysie et une perte de la sensibilité proprioceptive du côté de la lésion, associées à une perte de la sensibilité thermoalgique du côté opposé. Son diagnostic précoce est crucial, car il peut nécessiter une intervention chirurgicale urgente pour prévenir des séquelles neurologiques permanentes.
La présence de symptômes neurologiques progressifs ou de déficits moteurs doit toujours alerter sur la possibilité d'une myélopathie cervicarthrosique et justifie une évaluation neurologique approfondie.
Diagnostic différentiel et examens complémentaires
Face à la diversité des symptômes de l'arthrose cervicale, établir un diagnostic précis peut s'avérer complexe. Une approche systématique, combinant anamnèse détaillée, examen clinique rigoureux et examens complémentaires ciblés, est essentielle pour différencier l'arthrose cervicale d'autres pathologies aux présentations similaires.
Échelle de neck disability index (NDI) et questionnaire douleur neuropathique 4 (DN4)
L'évaluation standardisée des symptômes et de leur impact fonctionnel est cruciale dans la prise en charge de l'arthrose cervicale. L'échelle de Neck Disability Index (NDI) est un outil validé permettant de quantifier le degré d'incapacité lié aux douleurs cervicales. Ce questionnaire en 10 items explore différents aspects de la vie quotidienne, offrant une vision globale de l'impact de la pathologie sur la qualité de vie du patient.
Le questionnaire Douleur Neuropathique 4 (DN4) est particulièrement utile pour identifier la composante neuropathique des douleurs cervicales. Composé de 4 questions, il permet de dépister rapidement les caractéristiques évocatrices d'une douleur neuropathique, orientant ainsi la stratégie thérapeutique. Un score ≥ 4/10 au DN4 est fortement suggestif d'une douleur neuropathique, justifiant une prise en charge spécifique.
Imagerie par résonance magnétique (IRM) et myéloscanner
L'imagerie joue un rôle central dans le diagnostic de l'arthrose cervicale et l'évaluation de ses complications. L'IRM cervicale constitue l'examen de choix, offrant une visualisation détaillée des structures osseuses, discales et ligamentaires, ainsi que de la moelle épinière et des racines nerveuses. Elle permet de mettre en évidence les signes caractéristiques de l'arthrose : pincements discaux, ostéophytes, hypertrophie des articulations zygapophysaires et éventuelles compressions médullaires ou radiculaires.
Le myéloscanner, bien que moins fréquemment utilisé, peut s'avérer précieux dans certaines situations, notamment chez les patients présentant des contre-indications à l'IRM. Cet examen, combinant scanner et injection de produit de contraste dans le canal rachidien, offre une excellente visualisation des compressions médullaires et radiculaires. Il est particulièrement utile pour la planification chirurgicale dans les cas complexes.
Électromyographie (EMG) et potentiels évoqués somesthésiques (PES)
L'électromyographie (EMG) joue un rôle crucial dans l'évaluation des radiculopathies cervicales. Cette technique permet de quantifier l'atteinte nerveuse, de localiser précisément le niveau de la compression radiculaire et d'évaluer son ancienneté. L'EMG est particulièrement utile pour différencier une radiculopathie cervicale d'autres causes de douleurs ou de faiblesse des membres supérieurs, telles que le syndrome du défilé thoracobrachial ou une neuropathie périphérique.
Les potentiels évoqués somesthésiques (PES) constituent un complément précieux dans l'évaluation de la myélopathie cervicarthrosique. Cette technique non invasive permet d'évaluer l'intégrité des voies sensitives médullaires. Un allongement des latences ou une diminution des amplitudes des PES peut témoigner d'une compression médullaire, même en l'absence de signes cliniques francs. Les PES peuvent ainsi contribuer à la détection précoce d'une myélopathie débutante, orientant la décision thérapeutique.
L'intégration judicieuse de ces différents outils diagnostiques permet une évaluation précise de l'arthrose cervicale, de ses complications et de son impact fonctionnel. Cette approche multidimensionnelle est essentielle pour élaborer une stratégie thérapeutique personnalisée et optimale pour chaque patient.
Prise en charge thérapeutique ciblée
La prise en charge de l'arthrose cervicale repose sur une approche multidisciplinaire, adaptée à la sévérité des symptômes et à l'impact fonctionnel de la pathologie. L'objectif est double : soulager la douleur et prévenir l'aggravation des lésions dégénératives. Une stratégie thérapeutique personnalisée, combinant traitements conservateurs et interventionnels, est souvent nécessaire pour obtenir des résultats optimaux.
Kinésithérapie et méthode McKenzie
La kinésithérapie joue un rôle central dans la prise en charge de l'arthrose cervicale. Les techniques de mobilisation douce, associées à des exercices de renforcement musculaire ciblés, permettent d'améliorer la mobilité cervicale et de réduire la douleur. La méthode McKenzie, particulièrement adaptée aux pathologies rachidiennes, repose sur des exercices d'autotraitement visant à centraliser la douleur et à restaurer une mécanique vertébrale optimale.
Le kinésithérapeute peut également recourir à des techniques de thérapie manuelle, telles que les mobilisations articulaires ou les techniques myofasciales, pour soulager les tensions musculaires et améliorer la fonction articulaire. L'éducation thérapeutique du patient, axée sur l'ergonomie et les exercices d'autoétirement, constitue un aspect essentiel de la prise en charge kinésithérapique, favorisant l'autonomie et la gestion à long terme de la pathologie.
Infiltrations épidurales et blocs facettaires
Les infiltrations épidurales de corticoïdes représentent une option thérapeutique efficace dans les cas de radiculopathie cervicale résistante au traitement conservateur. Réalisées sous guidage radiologique, ces infiltrations permettent de délivrer un puissant anti-inflammatoire au plus près des racines nerveuses comprimées, réduisant ainsi l'œdème et la douleur. Bien que généralement bien tolérées, ces infiltrations doivent être réalisées avec précaution, en respectant les contre-indications et en limitant leur fréquence pour éviter les effets secondaires syst
émiques.Les blocs facettaires, quant à eux, ciblent spécifiquement les articulations zygapophysaires, souvent impliquées dans les douleurs cervicales chroniques. Ces infiltrations, réalisées sous guidage scannographique, associent un anesthésique local à un corticoïde. Elles permettent non seulement un soulagement rapide de la douleur mais contribuent également au diagnostic étiologique, confirmant l'origine facettaire des symptômes en cas d'amélioration significative.
Chirurgie mini-invasive et prothèse discale cervicale
Lorsque les traitements conservateurs s'avèrent insuffisants ou en présence de complications neurologiques progressives, la chirurgie peut être envisagée. Les techniques mini-invasives, telles que la foraminotomie endoscopique, permettent de décomprimer les racines nerveuses tout en minimisant le traumatisme tissulaire. Cette approche est particulièrement adaptée aux cas de radiculopathie cervicale sans instabilité vertébrale majeure.
La prothèse discale cervicale représente une alternative innovante à l'arthrodèse classique pour le traitement des hernies discales cervicales symptomatiques. Cette technique vise à préserver la mobilité du segment opéré, réduisant théoriquement le risque de dégénérescence des niveaux adjacents. Les résultats à moyen terme sont encourageants, avec une amélioration significative de la douleur et de la fonction, ainsi qu'un retour plus rapide aux activités professionnelles comparativement à l'arthrodèse.
La décision d'une intervention chirurgicale doit toujours résulter d'une discussion approfondie entre le patient et l'équipe médicale, prenant en compte les bénéfices attendus et les risques potentiels de la procédure.
En conclusion, la prise en charge de l'arthrose cervicale nécessite une approche personnalisée, combinant judicieusement les différentes options thérapeutiques disponibles. L'objectif est non seulement de soulager les symptômes actuels mais aussi de prévenir l'aggravation de la pathologie et d'optimiser la qualité de vie à long terme du patient. Une réévaluation régulière et une adaptation du plan de traitement en fonction de l'évolution clinique sont essentielles pour assurer une gestion optimale de cette affection chronique.